http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-823448,36-883932@51-884048,0.html
Pour le nouveau magazine belge Juliette et Victor, magazine de "l'art de vivre franco-belge" destiné aux 160 000 expatriés hexagonaux, la politique française est un argument de vente. Dans son premier numéro, sorti jeudi 15 mars, JV - allusion à Juliette Drouet et Victor Hugo, qui vécurent six mois d'amour à Bruxelles en 1851, après que l'écrivain, pourchassé par Louis Napoléon, s'y fut réfugié -, a fait réaliser, en février, un sondage sur les intentions de vote des Belges en vue... du scrutin présidentiel français.
Il ressort que Ségolène Royal l'emporte dans le coeur des Belges : s'ils avaient à voter, 39 % des francophones et 48 % des Flamands lui apporteraient leur voix au premier tour, soit une moyenne de 43 %. Nicolas Sarkozy arriverait loin derrière (29 %, mais 37 % chez les francophones), François Bayrou, sans doute victime de sa moindre notoriété, ne séduirait que 8 % de l'opinion ; Arlette Laguiller - surtout connue pour ses apparitions dans les "Guignols de l'info" - réaliserait 7 % et Jean-Marie Le Pen, à peine 4 %.
Quels sont les principaux atouts de la candidate du PS ? "C'est une femme", répondent 67 % des personnes interrogées, qui apprécient par ailleurs sa "détermination" (26 %) et son "programme social" (22 %). N'oubliant pas tout à fait leurs divergences habituelles, 36 % des francophones (majoritairement socialistes) contre 6 % de Flamands seulement considèrent que la "couleur politique" de Mme Royal est un argument déterminant pour leur choix. Les atouts de Nicolas Sarkozy sont, aux yeux des Belges, sa "compétence" (37 %), sa "capacité à convaincre" (29 %), son "caractère" (25 %).
Ce sondage alimentera un peu plus les conversations de bistrot et les dîners en ville où plus d'un Belge se pique de tout savoir du scrutin présidentiel. Rares sont ceux qui, en revanche, avouent un intérêt pour leur scrutin national, les élections législatives qui auront lieu le 10 juin - en même temps que le premier tour des législatives françaises -, dont on dit qu'elles seront décisives pour l'avenir du Royaume. Il y a chez les Belges - francophones au moins - une coquetterie à étaler leur savoir sur le débat français tout en manifestant leur dédain à l'égard de la politique de leur pays, jugée incompréhensible, byzantine et coupée des préoccupations du plus grand nombre.
Si l'on ajoute à cela la médiatisation de la campagne en France - les chaînes françaises sont très regardées en Wallonie et à Bruxelles -, une certaine nostalgie d'un affrontement clair entre la gauche et la droite et une bonne dose de défiance à l'égard du personnel politique national, on a la recette qui conduit les sujets d'Albert II à préférer, envers et contre tout, la politique française : dans le sondage de JV, 11 % des francophones seulement se disent "non concernés" par la présidentielle française - 29 % en Flandre, une région où l'on parle une autre langue.
Jean-Pierre Stroobants